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Alexis MOSSA (1844?-1926)

"Parmi les paysagistes niçois, Alexis Mossa tient une place particuliĂšre. Câest dâabord un peintre qui tente Ă Paris le parcours classique du prix de Rome ; il frĂ©quente aussi Barbizon. Ă Nice, il accumule les fonctions : adjoint au maire, conservateur, peintre officiel du carnaval..., tout en amoncelant, pour son seul plaisir au fil des ans, des vues lumineuses du pays de Nice. Le nom dâAlexis Mossa est connu aujourdâhui dâabord pour ses aquarelles, ensuite parce quâil est pĂšre de Gustave-Adolphe (1883-1971), le peintre symboliste niçois. Pour ces multiples raisons et, surtout, parce que ses aquarelles ne peuvent ĂȘtre associĂ©es Ă celles dâautres peintres, fussent-ils niçois, Alexis Mossa mĂ©rite une place Ă part.
Alexis Mossa : une biographie
Le pĂšre dâAlexis, François-Isidore Ă©tait tombĂ© amoureux dâune jeune fille de Biot, Louise Durbec. Comme la jolie provençale avait dĂ» Ă©migrer avec sa mĂšre en Colombie, le romanesque François-Isidore la suivit et, le 15 octobre 1844 (lâannĂ©e est incertaine), prĂšs de Santa-FĂ© de Bogota en Uruguay, naquit Alexis Mossa. DĂšs sa cinquiĂšme annĂ©e, le petit «Alejito» est confiĂ© Ă ses grands-parents paternels qui habitent Nice, au quartier Saint-Ătienne, prĂšs de la ferme dâAlphonse Karr.
Adolescent, Alexis frĂ©quente le Collegio Convitto Nazionale de Nice. DĂ©jĂ , Ă la fin de lâannĂ©e scolaire 1857-1858, il est citĂ© pour le prix dâornement dâarchitecture. Sa vocation de peintre apparaĂźt trĂšs tĂŽt. Il suit des cours de dessin et de peinture Ă lâĂ©cole municipale, créée par Barberi, auprĂšs dâHercule Trachel, et de Charles Garacci. Il entretiendra toujours dâamicales relations avec ce dernier. Le 25 juin 1861, il entreprend sa premiĂšre toile : un tableau dâhistoire sur un Ă©pisode de la bataille de Montebello du 20 mai 1859.
Alexis sâengage dans les Ă©tudes artistiques ; son but avouĂ© est de dĂ©crocher le grand prix de Rome. Il «monte» Ă Paris en 1861 pour prĂ©senter le concours dâadmission Ă lâĂ©cole des Beaux-Arts. AprĂšs plusieurs Ă©checs, il est reçu. Dominique Ingres figure parmi ses maĂźtres. Il rallie bientĂŽt lâatelier de François Picot, puis de son Ă©lĂšve Alexandre Cabanel, dont il devient le massier. Lâapprentissage est difficile. Le jeune Mossa nâobtient aucun prix aux quatre salons auxquels il participe de 1866 Ă 1869. Il entre plusieurs fois en loge pour concourir au grand prix de Rome, sans jamais le dĂ©crocher. Lâargent quâil peut gagner en rĂ©alisant des affiches pour le grainetier Vilmorin et en vendant des aquarelles, lui permet de se mĂȘler Ă la vie artistique et intellectuelle de la capitale. Il mĂšne une vie de rapin, se lie dâamitiĂ© avec Henri Regnault, frĂ©quente François Millet, les frĂšres Goncourt, Catulle MendĂšs lors dâun long sĂ©jour quâil effectue Ă Fontainebleau, puis Ă Barbizon, en 1866.
Mais ses Ă©checs, ajoutĂ©s Ă la rupture des subsides de sa famille, avertie de la vie divagante du fils prodigue, lâobligent Ă regagner Nice en 1869. Son pĂšre lui confie les plans dâagrandissement de la maison familiale, ainsi que le dĂ©cor des plafonds. Le 10 janvier 1870, il se marie avec une grassoise, AnaĂŻs Girard, ce qui lui permet dâĂ©chapper Ă la conscription. Pour faire vivre son mĂ©nage, Alexis travaille Ă des dĂ©cors de villas et peint des tableaux de commande. DĂšs 1872, il donne des leçons Ă des hivernants de qualitĂ©, comme le consul dâAngleterre, le comte et la comtesse de Neuville, dans son atelier situĂ© au dernier Ă©tage du Palais Marie-Christine, place de la Croix-de-Marbre. Sâil continue Ă Ă©chouer dans toutes ses tentatives pour se faire reconnaĂźtre comme peintre au Salon de Paris jusquâen 1889, sa renommĂ©e niçoise, elle, est vite Ă©tablie. Ă partir de 1874, il devient le dessinateur officiel du Carnaval de Nice. Il part, avec son Ă©pouse, pour un voyage en Italie lâannĂ©e 1875. Il peint des aquarelles Ă Rome, VĂ©rone, Venise.
En 1876, son Ă©pouse meurt. Alexis se remarie un an plus tard avec une niçoise, Marguerite Alfieri. Il sâemploie Ă©nergiquement Ă la crĂ©ation de la SociĂ©tĂ© des Beaux-Arts en 1876 avec le peintre Chabal-Dussurgey et lâarchitecte Philippe Randon. Il sera lâun des membres de sa commission artistique et lâun des principaux organisateurs de son Salon annuel. DĂšs 1884, Alexis tente une carriĂšre politique locale en soutenant le docteur Albert Balestre. Câest un Ă©chec, mais, en 1886, il est Ă©lu conseiller municipal sur la liste du maire Alziary de MalaussĂ©na, poste quâil occupe jusquâen 1896. Relevons sa participation au dossier de la construction du tramway, son rĂŽle majeur dans la programmation dâun rĂ©pertoire français au Théùtre de lâOpĂ©ra. Son action est celle dâun francophile et dâun moderniste convaincu.
Lâartiste se bat pour lâouverture dâun musĂ©e des Beaux-Arts, parvenant Ă convaincre la municipalitĂ© dâutiliser Ă cette fin lâancienne galerie de tableaux du 39 boulevard Dubouchage donnĂ©e par son propriĂ©taire, Portallier, Ă la ville en 1875. Ce bĂątiment bien vite trop exigu est remplacĂ© par un Ă©tage de lâimmeuble que la ville fait Ă©difier en 1901 Ă lâangle de la rue Notre-Dame et de la rue Hancy. Câest en 1905 quâAlexis devient le premier conservateur du musĂ©e municipal des Beaux-Arts de Nice. Il organise les collections, attire les dons des amateurs dâart, monte les expositions. Ă partir de 1925, le conservateur prĂ©pare le transfert du musĂ©e pour la villa Kotschoubey-Thompson acquise en 1925, un an avant sa mort.
Alexis Mossa fait figure de personnage central dans la vie artistique de la ville de Nice. DĂšs la crĂ©ation de lâĂ©cole nationale des Arts dĂ©coratifs de Nice le 7 octobre 1881, dirigĂ©e par son ami Chabal-Dussurgey, Alexis Mossa en est nommĂ© professeur de peinture et de dessin dâaprĂšs lâantique et le modĂšle vivant. SituĂ©e Ă lâorigine rue Saint-Michel (Deloye), elle sâavĂšre vite trop petite et dĂ©mĂ©nage pour sâinstaller dans lâimmeuble que la ville fit construire en 1904 rue Tonduti de lâEscarĂšne. Conservateur, professeur, conseiller municipal, organisateur dâexpositions, Alexis se dĂ©voue entiĂšrement Ă la cause des Beaux-Arts. Son rĂŽle reste dâabord Ă©dilitaire ; il ne semble pas avoir Ă©tĂ© un chef de file, et encore moins le patron dâune Ă©cole artistique.
Ces succĂšs lui permettent de faire construire sa villa, «La Retraite», au quartier Sainte-HĂ©lĂšne, route de France. Le vaste atelier qui y est joint, le « Studio Mossa », deviendra celui du peintre et graveur Marcellin Desboutins. « LâentrĂ©e du studio disparaissait sous un massif de roses blanches, qui, fragiles, se dressaient au-dessus du porche, festonnaient la grille Ă©troite, la voilaient joliment. AprĂšs avoir franchi le seuil, on sâarrĂȘtait, hĂ©sitant. Un gros aloĂšs se hĂ©rissait comme pour dĂ©fendre la retraite laborieuse de lâartiste... On se frayait un passage dans la verdure, on grimpait quelques marches, on pĂ©nĂ©trait dans lâatelier, une vaste piĂšce en dĂŽme, comme une chapelle, la chapelle de lâart » [...]1
Le 28 janvier 1883 naĂźt son fils unique, Gustave-Adolphe. Ă partir de ce moment, Alexis lui consacre lâessentiel de son temps libre. TrĂšs vite, il lui apprend Ă tenir un pinceau et lâinitie aux Beaux-Arts. LâĂ©lĂšve est douĂ©. DĂšs la fin de lâadolescence, ils sillonnent le pays niçois pour en aquareller les sites pittoresques ou cachĂ©s, ils collaborent aux maquettes de chars de Carnaval dont ils remportent trĂšs vite les premiers prix ; Gustave deviendra mĂȘme lâimagier officiel du carnaval niçois. Le fils entre Ă lâĂcole nationale des Arts dĂ©coratifs de Nice oĂč enseigne son pĂšre ; il expose dĂšs 1902. La mĂȘme annĂ©e, ils partent en voyage dâĂ©tude en Italie : Savone, GĂȘnes, Pise, Sienne, Florence. LâannĂ©e suivante, ils enchaĂźnent avec la Lombardie et la VĂ©nĂ©tie. Gustave sâapplique Ă la copie des grands maĂźtres. Pour prĂ©parer lâune des manifestations artistiques majeures que connut Nice : lâExposition des primitifs niçois, Alexis et Gustave parcourent le pays niçois pour exĂ©cuter des relevĂ©s Ă la plume des fresques, des architectures et des trĂ©sors religieux. Lors de lâexposition figure ainsi la reproduction rĂ©duite des peintures murales de douze chapelles.
RĂ©putĂ© pour sa gentillesse, mais Ă©galement pour ses brusques accĂšs de colĂšre, Alexis est un sentimental dont les Ă©motions et la sensibilitĂ© aiguĂ« sâaccommodent assez mal de la peinture acadĂ©mique et des lourdes pĂątes de la peinture Ă lâhuile sur fond de bitume. Si ses machines sombres et empesĂ©es peuvent rester dans les rĂ©serves des musĂ©es, en revanche, ses aquarelles, parce quâelles expriment son ĂȘtre profond et parce quâelles restent un tĂ©moignage irremplaçable sur une Ă©poque disparue, mĂ©ritent une renommĂ©e dĂ©passant les limites du ComtĂ© de Nice.
DĂšs son sĂ©jour parisien, Alexis peint des paysages aquarellĂ©s, mais câest dans les Alpes-Maritimes quâil manifeste toute lâenvergure de sa maĂźtrise dans lâexercice de la peinture Ă lâeau : « Mossa a pris une habitude dont la consĂ©quence sera grande dans lâhistoire de lâart de notre pays. Il est allĂ© souvent se promener une pique Ă la main, accompagnĂ© de son fidĂšle [chien] SaĂŻd, dans notre province de prodigieux contrastes oĂč poussent les sapins de NorvĂšge et les cactus dâAfrique, dessinant et peignant sans rĂ©pit. Il sâest ainsi trouvĂ© que Mossa nous a prĂ©parĂ© la plus rare documentation sur notre littoral dont la bĂȘtise envahissante a dĂ©truit le charme champĂȘtre et sur notre montagne oĂč lâabandon et la misĂšre ont attristĂ© tant de communautĂ©s prospĂšres comme Peille, Guillaumes ou puissantes comme Sospel ou Utelle.»2
AprĂšs son retrait de la vie politique, Alexis parcourt plus souvent lâarriĂšre-pays niçois, plusieurs fois accompagnĂ© de son fils auquel il communique lâamour de ce terroir, de ses paysages, de sa lumiĂšre, ainsi que les ficelles du mĂ©tier. Ăbloui par le talent de Gustave-Adolphe, Alexis se met au service de son fils : conseils techniques, mais aussi voyages, expositions, projets communs. En 1920, fatiguĂ© par une vie artistique et Ă©dilitaire intense, Alexis acquiert une propriĂ©tĂ© Ă Saint-Isidore, proche de celle de son ami BarthĂ©lĂ©my Marengo, inspecteur des travaux de la Compagnie GĂ©nĂ©rale des Eaux et auteur dramatique. Il la baptise «La Luerna» (la luciole en nissart). Câest lĂ que, quasi-journellement (trois cents aquarelles par an), Alexis aquarelle oliviers, pins, sous-bois et collines du Var, dans un exercice mental, artistique et physique qui lui permet de lutter contre le vieillissement. En 1926, trĂšs malade, il arrive cependant Ă accrocher lâexposition de la SociĂ©tĂ© des Beaux-Arts. Il meurt le 2 dĂ©cembre, peu de temps avant que Gustave-Adolphe ne soit nommĂ© conservateur de ce musĂ©e des Beaux-Arts pour lequel il a tant luttĂ©. Il avait eu la joie, en 1925, de participer Ă lâexposition de la SociĂ©tĂ© des Beaux-Arts, Le Paysage niçois, oĂč lui et son fils Ă©taient en bonne place. Ainsi, Ă©tait reconnu un genre trĂšs dĂ©veloppĂ© et apprĂ©ciĂ© sur la CĂŽte dâAzur, dont Alexis Mossa reste le plus brillant reprĂ©sentant.
Alexis Mossa et lâart du paysage
Parmi la production des paysagistes niçois, lâĆuvre aquarellĂ©e dâAlexis Mossa domine largement, en qualitĂ© et en quantitĂ© inventive, par ses multiples tentatives dâexpĂ©rimentation novatrice. Il oublie alors les jus sombres de ses compositions Ă lâhuile et sâouvre Ă la lumiĂšre et Ă ses innombrables jeux subtils. Cette technique trĂšs peu coĂ»teuse (papier spĂ©cial, couleurs, pinceaux, bocaux) et peu encombrante permet la promenade, la peinture «sur le motif» et lâexĂ©cution rapide. Pour un randonneur et un sentimental comme Alexis, elle correspondait tout Ă fait Ă ses besoins et Ă lâexpression du paysage comme Ă©tat dâĂąme dâun moment. NĂ©anmoins, cet art et cet exercice sont restĂ©s personnels. Bien peu dâaquarelles ont Ă©tĂ© vendues de son vivant, et un petit nombre portent sa signature. Seules les plus achevĂ©es, les plus rĂ©ussies montrent sa griffe. Toutes offrent, en revanche, un numĂ©ro dâordre et une date, reportĂ©s sur un cahier dâinventaire quâil conservait soigneusement.
Alexis Mossa ouvre son journal en 1863. Ce carnet de route oĂč il note chronologiquement chacune de ses aquarelles le suit Ă travers tous ses dĂ©placements et pendant tous les Ă©pisodes majeurs de sa vie, depuis son sĂ©jour dâĂ©tudiant Ă Paris, jusquâaux exercices quotidiens de «La Luerna» en 1920-1925. De sa premiĂšre aquarelle Sous-bois Ă Boulogne en 1863 Ă lâultime vue de Deux arbres secs et amandiers du 12 avril 1926, ce sont 7732 petits formats qui jalonnent la vie du principal aquarelliste du ComtĂ© de Nice. Aussi, peut-on voir dans cet immense ensemble un journal intime de plus de sept mille feuillets, que le peintre garde jalousement au sein de son atelier dans des cartonniers numĂ©rotĂ©s, et qui ne seront connus, dispersĂ©s et exposĂ©s quâaprĂšs la mort de son fils, Gustave-Adolphe, en 1971.
Hormis les sĂ©ries italiennes de 1875 et quelques dizaines de piĂšces exĂ©cutĂ©es prĂšs de Paris en 1863, Ă Barbizon en 1866, en Normandie lâannĂ©e 1867, quelques-unes rĂ©alisĂ©es chaque annĂ©e Ă Paris lors de lâaccrochage au Salon, puis Ă lâoccasion de ses dĂ©placements (Blois en 1872 et 1876, Marseille en 1878, Fontainebleau en 1880), la trĂšs grande majoritĂ© des aquarelles consignĂ©es nous emmĂšne Ă travers les Alpes-Maritimes. La liste est impressionnante. Avant 1880, Alexis plante son chevalet un peu partout, Ă Nice dâabord, prĂšs du littoral ou sur les collines avoisinantes, puis au hasard de ses excursions encore timides dans lâarriĂšre-pays : VĂ©subie, Var, Paillon... Alexis aime aussi la rive droite du Var : dĂšs 1871, il parcourt le pays de Grasse. Ă cette Ă©poque, lâessentiel de son temps est consacrĂ© Ă la prĂ©paration des tableaux destinĂ©s au Salon parisien. Beaucoup dâaquarelles sâavĂšrent ĂȘtre des Ă©tudes : arbres, chemins, rochers, ciels... afin de parfaire sa technique de peintre. La premiĂšre grande excursion date de septembre 1864. En six vues, Alexis dĂ©peint le site pittoresque de la vallĂ©e de la Roya avec ses villages par temps dâorage.
Ă partir de 1881, Alexis entreprend des sĂ©ries par quartiers : Carras et Sainte-HĂ©lĂšne oĂč se trouve lâatelier, La Bornala, par villages : Contes, Vintimille, par massifs : le Baudon. Mais sa premiĂšre grande source dâinspiration lui est fournie par la vallĂ©e de la VĂ©subie en juillet-aoĂ»t 1884 : les vues dâĂ©glises alternent avec celles de bergeries, de lacs et de montagnes. En 1887, le Var et lâEstĂ©ron retiennent son pinceau. De 1888 Ă 1892, Alexis Mossa passe ses vacances dâĂ©tĂ© dans la vallĂ©e du Paillon : les villages de Contes et de Bendejun, les grĂšs du Remorian, le lit du torrent sont aquarellĂ©s... Avec Gustave-Adolphe, il pousse jusquâĂ LucĂ©ram, Berre, ChĂąteauneuf. En 1893, il change de vallĂ©e et parcourt la VĂ©subie et la TinĂ©e durant lâĂ©tĂ©. Il remonte les vallĂ©es du Paillon et de la VĂ©subie jusquâen 1915, laissant deux vastes ensembles dâaquarelles, parmi les plus importants de cet artiste, tant par le nombre que par la qualitĂ©. Les dimanches, pendant le reste de lâannĂ©e, sont rĂ©servĂ©s aux collines et au littoral niçois quâAlexis sillonne souvent accompagnĂ© par son fils. LâannĂ©e 1908, celle du mariage de son fils, est exceptionnelle dans la production des deux peintres. Le pointillisme des vues de Bendejun aquarellĂ©es par Alexis prouvent que le pĂšre est alors largement sous lâinflence du style de son fils.
Alexis retourne dans les vallĂ©es de la TinĂ©e et de la VĂ©subie aprĂšs guerre. Cinquante ans sĂ©parent les premiĂšres vues de la Haute-VĂ©subie, peintes par le jeune aquarelliste ĂągĂ© de vingt-quatre ans en septembre 1868, de celles de la TinĂ©e de 1917. Ă la maniĂšre foncĂ©e des dĂ©buts, Ă la saturation des teintes, succĂšde un art plus libre, plus fluide et plus aĂ©rien. Le recours Ă lâencre disparaĂźt, alors que le blanc du papier est largement utilisĂ©. Alexis passe dâun traitĂ© de gouache Ă un vĂ©ritable exercice dâaquarelle.
LâexĂ©cution devient de plus en plus virtuose : rapiditĂ© nĂ©cessaire, rĂŽle Ă©minent des tĂąches qui, en se superposant, crĂ©ent de nouvelles et surprenantes tonalitĂ©s, le rĂ©alisme des dĂ©tails Ă©tant rendu de façon elliptique. Certes, la composition est habile, mais la nature sây manifeste comme une entitĂ© vivante : dialogue de la terre et du ciel, de la lumiĂšre et de lâombre. La conquĂȘte de la couleur ne se fera pas sans peine : refus progressif des verts trop artificiels, des ciels moins dramatiques, par exemple. La fin du siĂšcle voit lâapogĂ©e de la pĂ©riode crĂ©atrice de Mossa en ce domaine.
Tout au long de ses exercices aquarellĂ©s, Alexis Mossa sâinscrit dans le droit fil de lâĂ©cole de Barbizon. Ses paysages sont le plus souvent inhabitĂ©s, ou bien peuplĂ©s de personnages minuscules. La plupart des scĂšnes se passent loin de la civilisation, dans la nature ou bien dans des villages «authentiques». Chaque aquarelle insiste sur la solitude du peintre dans un univers silencieux. Alexis appartient Ă ce monde dâartistes panthĂ©istes qui prĂŽnent le travail au contact dâune nature «sauvage». Lâhomme devient meilleur, lorsquâil se trouve loin des tentations de la ville, des petitesses humaines et des contraintes sociales. Le spectacle de la nature, la marche en montagne rendent lâhomme vertueux.
Lâart de lâaquarelle chez Alexis Mossa reste avant tout, la manifestation personnelle des sentiments du peintre qui sâexpriment dans lâespace Ă©dĂ©nique dâun petit format. Ce jardin primordial constitue le lieu oĂč lâeffervescence joyeuse de lâartiste au travail devient pour nous la marque dâune plĂ©nitude harmonieuse, ainsi que la rĂ©vĂ©lation dâune nature Ă jamais transformĂ©e ou disparue. Le paysage, dâexpression dâun moment, devient, avec le recul du temps, et selon lâheureuse expression de RenĂ© Agache, «monument historique»."
Bibliographie
HĂ©lĂšne DE MARTINO, Alexis Mossa, peintre niçois. MĂ©moire de licence en Histoire de lâArt, GenĂšve, 1995.
Jean FORNERIS, Jean-Paul POTRON, âAlexis Mossa Ă Bendejunâ, in Lo Rohl, 1991 n°4, p. 7-14.
Jean-Roger SOUBIRAN, âLe plus grand paysagiste niçois au siĂšcle dernier, Alexis Mossaâ, in Nice Historique, 1984 n°3, p. 33-46.
Notes
1. RenĂ©e Tony dâULMĂS, Nice et ses environs, Paris, 1903, p. 75.
2. Louis CAPPATTI, Alexis et Gustave-Adolphe Mossa. Ms. p. 9. Nice, BibliothĂšque de Cessole, fonds Mossa. Jean-Paul POTRON |