Le Pays de Nice et ses Peintres au XIXe siècle

Jacques  GUIAUD

(1810-1876)

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Nice, la rue Saint-François-de-PauleLa villa Delphine propriété de la comtesse Potocka près de Nice, 1849Vue de VillefrancheVue de RibeauvilléLe restaurant La Réserve à NiceFaliconLa place Victor (Garibaldi) à Nice, vers 1855Entrée du village d'ÈzeTendeInauguration de la Statue de Dufresne à Dieppe, 1845Le Calvaire de TronoenLes habitants de la ville de Nice se rendant au scrutin, 1860La cathédrale Sainte-Réparate à Nice, vue de la rue MascoïnatLa cathédrale Sainte-Réparate à Nice, vue de la rue MascoïnatMaison de campagne des Jésuites à Carabacel, Nice, vers 1850Le pont du Var vers 1855La vallée du Paillon vers Saint-PonsL'abbaye de Saint-PonsL'église du monastère de CimiezLe monastère de Saint-BarthélémyLe monastère et la villa Arson à Saint-Barthélémy, 1855Nice vue de la route de GênesVillefrancheSaint-HospiceVillefrancheLa route de la Corniche vers La TurbieLe château de Saint-André-de-Nice, 1858Le château de Saint-André-de-Nice, vers 1855Le pont de Sospel vers 1855

"Ce sont les hasards de la vie d’artiste qui font naître Jacques Guiaud à Chambéry le 17 mai 1810. Son père, Joseph-François (1777-1846), issu d’une famille marseillaise, est comédien. Il a été membre de la Comédie Française, sociétaire du Théâtre Français. Sa mère, Marie-Louise Victoire, née de Brecq, est actrice. Jacques Guiaud se marie à Louise Eléonore Trémery dont il a cinq enfants1. Il décède à Paris le 24 avril 1876. Ses obsèques à Notre-Dame-de-Lorette sont relatées dans la plupart des journaux parisiens et bordelais.

À Paris, il est l’élève de Louis Watelet qui lui apprend l’art du paysage et de la lithographie. Il étudie également auprès du professeur de l’École des Beaux-Arts, Léon Cogniet. La réputation et l’influence de ce maître sont alors immenses. Du premier, Jacques Guiaud hérite sans doute du penchant pour le dessin et l’aquarelle sur le motif ainsi que du goût pour les voyages ; du second, il acquiert la rigueur et la force des compositions architecturales et des groupes. Jacques Guiaud est apprécié par Léon Cogniet ; tous deux gardent des relations amicales. Le 30 août 1853, son ancien maître lui écrit ces mots aimables : « j’ai vu avec beaucoup d’intérêt les ouvrages que vous avez envoyés à notre exposition, et qui sont une des rares et honorables exceptions à ces deux fâcheuses manières actuelles d’envisager la peinture de paysage, et consistant l’une à copier mal ce que l’on choisit bien, l’autre à copier bien ce que l’on choisit mal : ceux-là croyant que l’intention suffit et que le beau, comme ils l’entendent, peut se passer de vérité ; ceux-ci consentant à faire vrai à condition qu’on leur permette de faire laid. Vous avez su vous tenir entre ces deux écueils et je vous en félicite » [...]2. Il subit également les influences des paysagistes des années 1830, comme Jules Dupré. Durant ces années, Jacques Guiaud a pour ami très proche le dessinateur et caricaturiste J.J. Grandville dont il possède de nombreux carnets originaux et gravures. Il fréquente sa mansarde de la rue des Petits-Augustins en 1828 et lui reste fidèle jusqu’à sa mort à l’asile d’aliénés de Vanves en 1847. Sa ville natale, Nancy, confie même à Guiaud le choix du statuaire pour réaliser le buste posthume. C’est son ami Antoine Laurent Dantan (1798-1878) qui le sculpte.

Probablement grâce aux relations nouées autour de Léon Cogniet, Jacques Guiaud décroche, en 1834, sa première commande importante. Il réalise, pour les salles Empire du Château de Versailles, sept scènes historiques (dont trois copies de J. Bagetti et une de A. Roehn) à la gloire de Napoléon 1er : Entrée du général Bonaparte à Nice, Vue générale de la ville de Savone, Vue des hauteurs de Montenotte, Prise de l’île de Malte, Prise de Linz, Entrée de l’armée française à Vienne, Entrée de Napoléon à la tête de l’armée française à Dantzig. Elles sont insérées dans des panneaux décoratifs peints par Jean Alaux.

J. Guiaud participe trente-quatre fois aux Salons de 1831 à 1876. Son tableau, Le Pas Bayard à Dinan, présenté au Salon de 1836, est acheté par Louis-Philippe pour figurer dans ses collections. Il est le premier artiste à y obtenir en 1866 la mention “hors concours” pour son tableau Palma de Majorque. Il reçoit également deux médailles d’or aux expositions de Paris en 1843 (3ème classe) et en 1846 (2ème classe).

Chaque année, le peintre part en voyage. En 1833, il effectue son premier “grand tour” italien : Venise, Rome, Naples... Il se rend presque chaque année dans la péninsule avant même son installation à Nice en 1847. Ses périples le mènent également dans les forêts et les montagnes du Tyrol et de la Suisse, en Allemagne et en Belgique. Il longe les rives de la Meuse, de l’Escaut et du Rhin. De 1844 à 1846, il se tourne vers la côte Atlantique : Dieppe, Bordeaux et le Sud-ouest : Pau. Enfin, en 1847, il pousse jusqu’au Danemark.

Néanmoins, la concurrence entre artistes est rude à Paris. J. Guiaud a du mal pour faire vivre son ménage. En 1847, il décide de venir s’installer à Nice avec sa famille afin de donner des cours de dessin
aux hivernants. La Révolution de 1848, la désorganisation parisienne et le manque de commandes pour les artistes persuadent les Guiaud de rester à Nice. Ils y demeurent jusqu’en 1860. Leur logement se trouve d’abord maison Magnan, route de France, puis au 12 rue Masséna, maison Tiranty, à la fin des années 1850. J. Guiaud donne des cours particuliers ; il ouvre également dans les années 1850 un cours pour dames fréquenté par une demi-douzaine de personnes3. Plusieurs amis peintres parisiens, ainsi que L. Cogniet, lui recommandent des élèves qui doivent se rendre à Nice.

Au premier Salon de la Société des Beaux-Arts de Nice en 1851, il expose une huile Vue de Monaco, deux aquarelles, Vue de Falicon et Vue de Nice prise des Ponchettes, et quatre lithographies du Val de Pesio. L’année suivante, il montre quatre peintures : Vue de la villa Potocka à Nice, Vue de la villa Arson, Vue de Monaco (250 fr.), Vue de Falicon (250 fr.). En 1854,
les deux œuvres exposées enthousiasment le chroniqueur local Bazancourt : « Regardez plutôt “Le Cirque de Gavarni” par M. Guiaud ; - c’est une peinture fine et délicate ; les plus petits détails y sont retracés avec art sans pourtant nuire à l’ensemble général ; - n’oubliez pas d’aller voir la “Fontaine de Pillet-Will” du même auteur» [...]4. Ce peintre est tenu en haute estime par la très francophile Revue de Nice. Le chroniqueur de sa “revue artistique” le met au premier rang des peintres de paysage présents à Nice avec Lucas ; il écrit : « C’est un talent vrai, consciencieux et correct, dont toutes les productions portent un cachet évident de sincérité et de sérieuses études. Par le temps d’enluminure qui court, et au milieu des débauches de couleur qui menacent de tout envahir, on est heureux de rencontrer un artiste sage et nourri dans les bonnes et saines traditions du passé»5.

J. Guiaud poursuit ses envois d’œuvres pour le Salon annuel. « M. Guiaud, après avoir été porter lui-même à Paris deux belles toiles qui avaient été admises à la grande exposition, est de retour ici et nous avons vu chez Delbecchi un joli tableau à l’huile représentant l’entrée de l’impératrice à Villefranche et une charmante aquarelle de sa façon »6. Il réalise en 1859, en effet, le débarquement de l’impératrice Alexandra Feodorovna à Villefranche7. J. Guiaud peint les moments importants de la vie locale, mais effectue aussi de multiples dessins et aquarelles des sites pittoresques de la Riviera. Il est l’un des rares peintres à explorer l’arrière-pays niçois dont il remonte les vallées : Roya, Vésubie.

Il travaille beaucoup pour la riche colonie étrangère venue passer l’hiver à Nice. La grande duchesse de Bade, la comtesse Potocka lui commandent plusieurs vues de Nice. C’est sans doute chez cette dernière aristocrate que Guiaud peut avoir rencontré Paul Delaroche en septembre 18518. Un écho dans la presse régionale relate même la proposition originale qui est faite à J. Guiaud en 1859 : « Un Anglais de distinction [...] ayant à faire un petit voyage dans ce qu’on appelle “Rivière de Gênes” lisez : rivage de la mer, sur la route en deçà et au delà de Gênes, - et voulant envoyer à sa famille un récit de son voyage, il a imaginé d’illustrer ses lettres, a prié de l’accompagner dans cette excursion de quelques jours le peintre Guiaud, dont on connaît le gracieux talent, et s’est fait dessiner tous les points qui ont le plus attiré son attention.»9

En 1860, J. Guiaud est de retour dans la capitale. La famille s’installe à la cité Pigalle. L’année suivante, son épouse meurt à l’âge de cinquante-quatre ans. Au Salon de 1863, il expose un tableau, Notre-Dame de Paris, qui est acheté par la ville de Paris pour être installé dans l’Hôtel de Ville. Il y brûle dans l’incendie du bâtiment en 1871. En 1865, il est choisi par le ministère des Beaux-Arts pour faire partie de l’équipe de peintres chargée de la restauration de la galerie des Cerfs à Fontainebleau. On lui confie la réalisation de cinq grandes vues des forêts, notamment Le Château de Madrid et le Bois de Boulogne, Le Château et le Parc de Monceau. Ce travail lui prend trois années. En 1873, le peintre d’histoire Henri Philippoteaux (1815-1884) - qui avait été également l’élève de L. Cogniet - le charge de peindre une partie du paysage et des éléments architecturaux de La Défense de Paris contre les armées allemandes qui couvre les quarante mètres de murs formant la circonférence du Panorama des Champs-Elysées. En 1875, il expose au Salon le Calvaire de Tronoan, près de Pont-Labbé (Finistère) -, qui est l’œuvre la plus remarquée de son vivant. Peu avant de mourir, il achève La Porte de l’horloge à la cathédrale de Strasbourg qui figure en 1876 au Salon du Palais de l’Industrie avec un nœud de crêpe.

Durant ces années, J. Guiaud continue ses habitudes voyageuses. Il revient régulièrement à Nice et sur la Côte, notamment lors de déplacements pour l’Italie. Il découvre l’Espagne, Palma de Majorque où il se rend à plusieurs reprises. Il retourne en Belgique, se rend plusieurs fois en Bretagne. Son dernier voyage semble avoir été à Venise, l’année de sa mort.

Hormis à Paris, J. Guiaud expose également au Palais de Glace de Munich en 1869 et à l’exposition mondiale de Vienne en 1873. Il participe aussi aux expositions annuelles des villes du nord de la France de 1833 à 1847 : Douai, Lille, Valenciennes, Cambrai, Arras, Boulogne-sur-Mer. Il y propose des aquarelles ou des toiles, représentant des paysages historiques, des vues de monuments, des souvenirs de voyages, qui lui valent quelques mentions et médailles. Il est membre fondateur de l’Association des artistes peintres, sculpteurs, graveurs et architectes, créée par le baron Isidore Taylor.

La maison d’édition Hachette lui commande des dessins et des aquarelles destinés à l’illustration de Le Tour du monde. Son œuvre lithographique est importante. Entre 1833 et 1846, il livre plusieurs planches pour les fameux Voyages pittoresques et romantiques de l’ancienne France d’Isidore Taylor, d’après des œuvres de Laurens, Truchot, Mayer. Pour cette entreprise monumentale, le baron s’est attaché les services des artistes et des écrivains les plus connus. Jacques Guiaud fournit également des gravures à L’Artiste, au Journal des artistes. L’Illustration du 29 octobre 1859 et du 21 avril 1860, montre plusieurs gravures exécutées d’après des croquis de Guiaud : des vues de Nice, le vote du Rattachement, le séjour de l’impératrice de Russie, la ferme d’A. Karr. Dans un album édité par Delbecchi à Nice, Nice. Vues et costumes, les planches portent “dessiné d’après nature et lithographié par Guiaud”. Un autre album, Nice pittoresque, imprimé à Paris, indique “lithographié par J. Guiaud, d’après les photographies de L. Cretté”. Guiaud publie aussi Promenades dans les Vosges, 1838, La Chartreuse de Pesio en 1850.
Dix-neuf musées français10 conservent des œuvres de Jacques Guiaud, notamment le musée Carnavalet à Paris, avec neuf huiles sur toile représentant des scènes du siège de Paris en 1870 (legs Binant)."


Notes
1. Coralie (1837-1924), Georges (1840-1887, architecte et peintre), Justin (1842-1926, agent de change), Marie (1844-1931), Jeanne (1850-1866).
1. Archives familiales A. Buet, Paris.
2. Lettre de Dantan à Guiaud, 27 septembre 1851, (Archives familiales A. Buet, Paris). “M. Guiaud, peintre paysagiste de l’école de Paris, se propose d’ouvrir le cours qu’il fait tous les ans pour les dames. M. Guiaud donne également des leçons particulières”, in Revue de Nice 1859, p. 73-74.
3. BAZANCOURT (Baron de), Les Soirées d’hiver à Nice, mélanges historiques et littéraires. Gilletta, Nice, 1854, p. 273.
4. Revue de Nice, 1859, p. 249
5. Revue de Nice, 1859, p. 73.
6. “Le tableau de M. Guiaud, représentant l’arrivée à Villefranche de S.M. l’Impératrice de Russie - est exposé chez Delbecchi.”, écrivait Alphonse Karr, in Les Guêpes, “Chronique de Nice”, 13 novembre 1859, p.5. Delbecchi était une papeterie-librairie réputée rue de l’Hôtel de Ville, actuelle papeterie Rontani.
7. Lettre n°4 de Dantan à J. Guiaud, 27 septembre 1851
(Archives familiales A. Buet, Paris).
8. Alphonse KARR, Les Guêpes, “Chronique de Nice”,
6 novembre 1859, p. 3-4.
9. Musée Carnavalet, musée du Louvre, Petit Palais, Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de Paris, musée de l’Ile-de-France à Sceaux, château de Fontainebleau, Musée de Picardie à Amiens, musée national du château de Compiègne, château musée de Dieppe, musée des Beaux-Arts de Caen, musée des Beaux-Arts de Brest, musée des Beaux-Arts de Quimper, musée des Beaux-Arts de Rennes, musée d’Art et d’histoire de Rochefort, musée des Beaux-Arts de Carcassone, musée des Beaux-Arts de Pau, bibliothèque de Cessole à Nice, musée de Brou à Bourg-en-Bresse.

Lucien MARI