Le Pays de Nice et ses Peintres au XIXe siècle

Alexis  MOSSA

(1844?-1926)

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Bendejun, le château Avet, 7 septembre 1908Saint-Martin-d'Entraunes, chapelle Saint-JeanLa Muse de l'ObservatoireSaint-Martin-Vésubie, au confluent du Boréon et du val de Fenestre, septembre 1868Saint-Étienne-de-Tinée, le plateau d'Auron et Sainte-Edwige, 12 septembre 1891Utelle, vue générale, 6 septembre 1893Mont-Alban, le fort et broussailles, 2 juillet 1911Cimiez, les chênes vus de la ruelle, 25 juin 1896Vallon d'Aspremont, 14 août 1896Coucher de soleil sur la Jetée-Promenade, Nice, novembre 1910Gros temps à l'embouchure du Var, 1880La Luerna, chez Marengo, 21 janvier 1922Contes, 24 août 1888Au chemin des collinettes, à Saint-Philippe, Nice, 27 juillet 1913Saint-André, la grotte entrée nord le soir, 18 juin 1911Saint-André, l'église, 22 juin 1890Pont de Loda sur la Vésubie, 7 septembre 1909Sainte-Marie-de-Fenestre, effet de coucher et la chapelle, 23 août 1910Chapelle Ave Maria de Fenestre, 5 août 1910Sainte-Marie-de-Fenestre, la chapelle, 25 août 1910Sainte-Marie-de-Fenestre, la chapelle, temps gris le soir, 17 août 1910Granges sur le mont Trecrous, 20 août 1910Le Moulin du Figaret, 11 août 1909Bendejun, avant-plan de chaume, 5 septembre 1906Boréon, prise d'eau pour le canal, 3 août 1912Lantosque, le val de Saint-Colomban vu de la grand'route, 19 septembre 1909Gairaut, le gros pin de la carrière, 5 juin 1913Grande corniche, Saint-Pons et le pic St-Jeannet, vus de Saint-Charles, janvier 1869Pessicart, dans les oliviers, échappée sur les Alpes, janvier 1873Le Paillon vu de la grande corniche, 8 octobre 1881Le bassin de la Gordolasque vu de la Claudine, 13 septembre 1895À la cime du mont Fourche près de Nice, 28 septembre 1893Contes, le village vu de la route de Berre, 23 août 1888Cimiez, Saint-Pons de la hauteur, 25 juin 1896Saint-André, le château, 26 juin 1899Saint-Barthélémy, un coin de Nice vu du bois, 18 juin 1901Cap de Croix, la ferme rose, 20 juillet 1897Bendejun vu de la route de Sine, 24 août 1906Rimiez, route de l'Aire, la maison rose, 28 août 1915Vallon des fleurs, cerisiers fleuris, avril 1895L'orage, Saint-Hospice, 28 septembre 1895Mont-Alban, le fort, 19 juin 1913Rade de Villefranche, rochers du Cap-Ferrat, 1878

"Parmi les paysagistes niçois, Alexis Mossa tient une place particulière. C’est d’abord un peintre qui tente à Paris le parcours classique du prix de Rome ; il fréquente aussi Barbizon. À Nice, il accumule les fonctions : adjoint au maire, conservateur, peintre officiel du carnaval..., tout en amoncelant, pour son seul plaisir au fil des ans, des vues lumineuses du pays de Nice. Le nom d’Alexis Mossa est connu aujourd’hui d’abord pour ses aquarelles, ensuite parce qu’il est père de Gustave-Adolphe (1883-1971), le peintre symboliste niçois. Pour ces multiples raisons et, surtout, parce que ses aquarelles ne peuvent être associées à celles d’autres peintres, fussent-ils niçois, Alexis Mossa mérite une place à part.

Alexis Mossa : une biographie

Le père d’Alexis, François-Isidore était tombé amoureux d’une jeune fille de Biot, Louise Durbec. Comme la jolie provençale avait dû émigrer avec sa mère en Colombie, le romanesque François-Isidore la suivit et, le 15 octobre 1844 (l’année est incertaine), près de Santa-Fé de Bogota en Uruguay, naquit Alexis Mossa. Dès sa cinquième année, le petit «Alejito» est confié à ses grands-parents paternels qui habitent Nice, au quartier Saint-Étienne, près de la ferme d’Alphonse Karr.

Adolescent, Alexis fréquente le Collegio Convitto Nazionale de Nice. Déjà, à la fin de l’année scolaire 1857-1858, il est cité pour le prix d’ornement d’architecture. Sa vocation de peintre apparaît très tôt. Il suit des cours de dessin et de peinture à l’école municipale, créée par Barberi, auprès d’Hercule Trachel, et de Charles Garacci. Il entretiendra toujours d’amicales relations avec ce dernier. Le 25 juin 1861, il entreprend sa première toile : un tableau d’histoire sur un épisode de la bataille de Montebello du 20 mai 1859.

Alexis s’engage dans les études artistiques ; son but avoué est de décrocher le grand prix de Rome. Il «monte» à Paris en 1861 pour présenter le concours d’admission à l’école des Beaux-Arts. Après plusieurs échecs, il est reçu. Dominique Ingres figure parmi ses maîtres. Il rallie bientôt l’atelier de François Picot, puis de son élève Alexandre Cabanel, dont il devient le massier. L’apprentissage est difficile. Le jeune Mossa n’obtient aucun prix aux quatre salons auxquels il participe de 1866 à 1869. Il entre plusieurs fois en loge pour concourir au grand prix de Rome, sans jamais le décrocher. L’argent qu’il peut gagner en réalisant des affiches pour le grainetier Vilmorin et en vendant des aquarelles, lui permet de se mêler à la vie artistique et intellectuelle de la capitale. Il mène une vie de rapin, se lie d’amitié avec Henri Regnault, fréquente François Millet, les frères Goncourt, Catulle Mendès lors d’un long séjour qu’il effectue à Fontainebleau, puis à Barbizon, en 1866.

Mais ses échecs, ajoutés à la rupture des subsides de sa famille, avertie de la vie divagante du fils prodigue, l’obligent à regagner Nice en 1869. Son père lui confie les plans d’agrandissement de la maison familiale, ainsi que le décor des plafonds. Le 10 janvier 1870, il se marie avec une grassoise, Anaïs Girard, ce qui lui permet d’échapper à la conscription. Pour faire vivre son ménage, Alexis travaille à des décors de villas et peint des tableaux de commande. Dès 1872, il donne des leçons à des hivernants de qualité, comme le consul d’Angleterre, le comte et la comtesse de Neuville, dans son atelier situé au dernier étage du Palais Marie-Christine, place de la Croix-de-Marbre. S’il continue à échouer dans toutes ses tentatives pour se faire reconnaître comme peintre au Salon de Paris jusqu’en 1889, sa renommée niçoise, elle, est vite établie. À partir de 1874, il devient le dessinateur officiel du Carnaval de Nice. Il part, avec son épouse, pour un voyage en Italie l’année 1875. Il peint des aquarelles à Rome, Vérone, Venise.

En 1876, son épouse meurt. Alexis se remarie un an plus tard avec une niçoise, Marguerite Alfieri. Il s’emploie énergiquement à la création de la Société des Beaux-Arts en 1876 avec le peintre Chabal-Dussurgey et l’architecte Philippe Randon. Il sera l’un des membres de sa commission artistique et l’un des principaux organisateurs de son Salon annuel. Dès 1884, Alexis tente une carrière politique locale en soutenant le docteur Albert Balestre. C’est un échec, mais, en 1886, il est élu conseiller municipal sur la liste du maire Alziary de Malausséna, poste qu’il occupe jusqu’en 1896. Relevons sa participation au dossier de la construction du tramway, son rôle majeur dans la programmation d’un répertoire français au Théâtre de l’Opéra. Son action est celle d’un francophile et d’un moderniste convaincu.

L’artiste se bat pour l’ouverture d’un musée des Beaux-Arts, parvenant à convaincre la municipalité d’utiliser à cette fin l’ancienne galerie de tableaux du 39 boulevard Dubouchage donnée par son propriétaire, Portallier, à la ville en 1875. Ce bâtiment bien vite trop exigu est remplacé par un étage de l’immeuble que la ville fait édifier en 1901 à l’angle de la rue Notre-Dame et de la rue Hancy. C’est en 1905 qu’Alexis devient le premier conservateur du musée municipal des Beaux-Arts de Nice. Il organise les collections, attire les dons des amateurs d’art, monte les expositions. À partir de 1925, le conservateur prépare le transfert du musée pour la villa Kotschoubey-Thompson acquise en 1925, un an avant sa mort.

Alexis Mossa fait figure de personnage central dans la vie artistique de la ville de Nice. Dès la création de l’école nationale des Arts décoratifs de Nice le 7 octobre 1881, dirigée par son ami Chabal-Dussurgey, Alexis Mossa en est nommé professeur de peinture et de dessin d’après l’antique et le modèle vivant. Située à l’origine rue Saint-Michel (Deloye), elle s’avère vite trop petite et déménage pour s’installer dans l’immeuble que la ville fit construire en 1904 rue Tonduti de l’Escarène. Conservateur, professeur, conseiller municipal, organisateur d’expositions, Alexis se dévoue entièrement à la cause des Beaux-Arts. Son rôle reste d’abord édilitaire ; il ne semble pas avoir été un chef de file, et encore moins le patron d’une école artistique.

Ces succès lui permettent de faire construire sa villa, «La Retraite», au quartier Sainte-Hélène, route de France. Le vaste atelier qui y est joint, le « Studio Mossa », deviendra celui du peintre et graveur Marcellin Desboutins. « L’entrée du studio disparaissait sous un massif de roses blanches, qui, fragiles, se dressaient au-dessus du porche, festonnaient la grille étroite, la voilaient joliment. Après avoir franchi le seuil, on s’arrêtait, hésitant. Un gros aloès se hérissait comme pour défendre la retraite laborieuse de l’artiste... On se frayait un passage dans la verdure, on grimpait quelques marches, on pénétrait dans l’atelier, une vaste pièce en dôme, comme une chapelle, la chapelle de l’art » [...]1

Le 28 janvier 1883 naît son fils unique, Gustave-Adolphe. À partir de ce moment, Alexis lui consacre l’essentiel de son temps libre. Très vite, il lui apprend à tenir un pinceau et l’initie aux Beaux-Arts. L’élève est doué. Dès la fin de l’adolescence, ils sillonnent le pays niçois pour en aquareller les sites pittoresques ou cachés, ils collaborent aux maquettes de chars de Carnaval dont ils remportent très vite les premiers prix ; Gustave deviendra même l’imagier officiel du carnaval niçois. Le fils entre à l’École nationale des Arts décoratifs de Nice où enseigne son père ; il expose dès 1902. La même année, ils partent en voyage d’étude en Italie : Savone, Gênes, Pise, Sienne, Florence. L’année suivante, ils enchaînent avec la Lombardie et la Vénétie. Gustave s’applique à la copie des grands maîtres. Pour préparer l’une des manifestations artistiques majeures que connut Nice : l’Exposition des primitifs niçois, Alexis et Gustave parcourent le pays niçois pour exécuter des relevés à la plume des fresques, des architectures et des trésors religieux. Lors de l’exposition figure ainsi la reproduction réduite des peintures murales de douze chapelles.

Réputé pour sa gentillesse, mais également pour ses brusques accès de colère, Alexis est un sentimental dont les émotions et la sensibilité aiguë s’accommodent assez mal de la peinture académique et des lourdes pâtes de la peinture à l’huile sur fond de bitume. Si ses machines sombres et empesées peuvent rester dans les réserves des musées, en revanche, ses aquarelles, parce qu’elles expriment son être profond et parce qu’elles restent un témoignage irremplaçable sur une époque disparue, méritent une renommée dépassant les limites du Comté de Nice.

Dès son séjour parisien, Alexis peint des paysages aquarellés, mais c’est dans les Alpes-Maritimes qu’il manifeste toute l’envergure de sa maîtrise dans l’exercice de la peinture à l’eau : « Mossa a pris une habitude dont la conséquence sera grande dans l’histoire de l’art de notre pays. Il est allé souvent se promener une pique à la main, accompagné de son fidèle [chien] Saïd, dans notre province de prodigieux contrastes où poussent les sapins de Norvège et les cactus d’Afrique, dessinant et peignant sans répit. Il s’est ainsi trouvé que Mossa nous a préparé la plus rare documentation sur notre littoral dont la bêtise envahissante a détruit le charme champêtre et sur notre montagne où l’abandon et la misère ont attristé tant de communautés prospères comme Peille, Guillaumes ou puissantes comme Sospel ou Utelle.»2

Après son retrait de la vie politique, Alexis parcourt plus souvent l’arrière-pays niçois, plusieurs fois accompagné de son fils auquel il communique l’amour de ce terroir, de ses paysages, de sa lumière, ainsi que les ficelles du métier. Ébloui par le talent de Gustave-Adolphe, Alexis se met au service de son fils : conseils techniques, mais aussi voyages, expositions, projets communs. En 1920, fatigué par une vie artistique et édilitaire intense, Alexis acquiert une propriété à Saint-Isidore, proche de celle de son ami Barthélémy Marengo, inspecteur des travaux de la Compagnie Générale des Eaux et auteur dramatique. Il la baptise «La Luerna» (la luciole en nissart). C’est là que, quasi-journellement (trois cents aquarelles par an), Alexis aquarelle oliviers, pins, sous-bois et collines du Var, dans un exercice mental, artistique et physique qui lui permet de lutter contre le vieillissement. En 1926, très malade, il arrive cependant à accrocher l’exposition de la Société des Beaux-Arts. Il meurt le 2 décembre, peu de temps avant que Gustave-Adolphe ne soit nommé conservateur de ce musée des Beaux-Arts pour lequel il a tant lutté. Il avait eu la joie, en 1925, de participer à l’exposition de la Société des Beaux-Arts, Le Paysage niçois, où lui et son fils étaient en bonne place. Ainsi, était reconnu un genre très développé et apprécié sur la Côte d’Azur, dont Alexis Mossa reste le plus brillant représentant.

Alexis Mossa et l’art du paysage

Parmi la production des paysagistes niçois, l’œuvre aquarellée d’Alexis Mossa domine largement, en qualité et en quantité inventive, par ses multiples tentatives d’expérimentation novatrice. Il oublie alors les jus sombres de ses compositions à l’huile et s’ouvre à la lumière et à ses innombrables jeux subtils. Cette technique très peu coûteuse (papier spécial, couleurs, pinceaux, bocaux) et peu encombrante permet la promenade, la peinture «sur le motif» et l’exécution rapide. Pour un randonneur et un sentimental comme Alexis, elle correspondait tout à fait à ses besoins et à l’expression du paysage comme état d’âme d’un moment. Néanmoins, cet art et cet exercice sont restés personnels. Bien peu d’aquarelles ont été vendues de son vivant, et un petit nombre portent sa signature. Seules les plus achevées, les plus réussies montrent sa griffe. Toutes offrent, en revanche, un numéro d’ordre et une date, reportés sur un cahier d’inventaire qu’il conservait soigneusement.

Alexis Mossa ouvre son journal en 1863. Ce carnet de route où il note chronologiquement chacune de ses aquarelles le suit à travers tous ses déplacements et pendant tous les épisodes majeurs de sa vie, depuis son séjour d’étudiant à Paris, jusqu’aux exercices quotidiens de «La Luerna» en 1920-1925. De sa première aquarelle Sous-bois à Boulogne en 1863 à l’ultime vue de Deux arbres secs et amandiers du 12 avril 1926, ce sont 7732 petits formats qui jalonnent la vie du principal aquarelliste du Comté de Nice. Aussi, peut-on voir dans cet immense ensemble un journal intime de plus de sept mille feuillets, que le peintre garde jalousement au sein de son atelier dans des cartonniers numérotés, et qui ne seront connus, dispersés et exposés qu’après la mort de son fils, Gustave-Adolphe, en 1971.

Hormis les séries italiennes de 1875 et quelques dizaines de pièces exécutées près de Paris en 1863, à Barbizon en 1866, en Normandie l’année 1867, quelques-unes réalisées chaque année à Paris lors de l’accrochage au Salon, puis à l’occasion de ses déplacements (Blois en 1872 et 1876, Marseille en 1878, Fontainebleau en 1880), la très grande majorité des aquarelles consignées nous emmène à travers les Alpes-Maritimes. La liste est impressionnante. Avant 1880, Alexis plante son chevalet un peu partout, à Nice d’abord, près du littoral ou sur les collines avoisinantes, puis au hasard de ses excursions encore timides dans l’arrière-pays : Vésubie, Var, Paillon... Alexis aime aussi la rive droite du Var : dès 1871, il parcourt le pays de Grasse. À cette époque, l’essentiel de son temps est consacré à la préparation des tableaux destinés au Salon parisien. Beaucoup d’aquarelles s’avèrent être des études : arbres, chemins, rochers, ciels... afin de parfaire sa technique de peintre. La première grande excursion date de septembre 1864. En six vues, Alexis dépeint le site pittoresque de la vallée de la Roya avec ses villages par temps d’orage.
À partir de 1881, Alexis entreprend des séries par quartiers : Carras et Sainte-Hélène où se trouve l’atelier, La Bornala, par villages : Contes, Vintimille, par massifs : le Baudon. Mais sa première grande source d’inspiration lui est fournie par la vallée de la Vésubie en juillet-août 1884 : les vues d’églises alternent avec celles de bergeries, de lacs et de montagnes. En 1887, le Var et l’Estéron retiennent son pinceau. De 1888 à 1892, Alexis Mossa passe ses vacances d’été dans la vallée du Paillon : les villages de Contes et de Bendejun, les grès du Remorian, le lit du torrent sont aquarellés... Avec Gustave-Adolphe, il pousse jusqu’à Lucéram, Berre, Châteauneuf. En 1893, il change de vallée et parcourt la Vésubie et la Tinée durant l’été. Il remonte les vallées du Paillon et de la Vésubie jusqu’en 1915, laissant deux vastes ensembles d’aquarelles, parmi les plus importants de cet artiste, tant par le nombre que par la qualité. Les dimanches, pendant le reste de l’année, sont réservés aux collines et au littoral niçois qu’Alexis sillonne souvent accompagné par son fils. L’année 1908, celle du mariage de son fils, est exceptionnelle dans la production des deux peintres. Le pointillisme des vues de Bendejun aquarellées par Alexis prouvent que le père est alors largement sous l’inflence du style de son fils.

Alexis retourne dans les vallées de la Tinée et de la Vésubie après guerre. Cinquante ans séparent les premières vues de la Haute-Vésubie, peintes par le jeune aquarelliste âgé de vingt-quatre ans en septembre 1868, de celles de la Tinée de 1917. À la manière foncée des débuts, à la saturation des teintes, succède un art plus libre, plus fluide et plus aérien. Le recours à l’encre disparaît, alors que le blanc du papier est largement utilisé. Alexis passe d’un traité de gouache à un véritable exercice d’aquarelle.

L’exécution devient de plus en plus virtuose : rapidité nécessaire, rôle éminent des tâches qui, en se superposant, créent de nouvelles et surprenantes tonalités, le réalisme des détails étant rendu de façon elliptique. Certes, la composition est habile, mais la nature s’y manifeste comme une entité vivante : dialogue de la terre et du ciel, de la lumière et de l’ombre. La conquête de la couleur ne se fera pas sans peine : refus progressif des verts trop artificiels, des ciels moins dramatiques, par exemple. La fin du siècle voit l’apogée de la période créatrice de Mossa en ce domaine.
Tout au long de ses exercices aquarellés, Alexis Mossa s’inscrit dans le droit fil de l’école de Barbizon. Ses paysages sont le plus souvent inhabités, ou bien peuplés de personnages minuscules. La plupart des scènes se passent loin de la civilisation, dans la nature ou bien dans des villages «authentiques». Chaque aquarelle insiste sur la solitude du peintre dans un univers silencieux. Alexis appartient à ce monde d’artistes panthéistes qui prônent le travail au contact d’une nature «sauvage». L’homme devient meilleur, lorsqu’il se trouve loin des tentations de la ville, des petitesses humaines et des contraintes sociales. Le spectacle de la nature, la marche en montagne rendent l’homme vertueux.

L’art de l’aquarelle chez Alexis Mossa reste avant tout, la manifestation personnelle des sentiments du peintre qui s’expriment dans l’espace édénique d’un petit format. Ce jardin primordial constitue le lieu où l’effervescence joyeuse de l’artiste au travail devient pour nous la marque d’une plénitude harmonieuse, ainsi que la révélation d’une nature à jamais transformée ou disparue. Le paysage, d’expression d’un moment, devient, avec le recul du temps, et selon l’heureuse expression de René Agache, «monument historique»."


Bibliographie
Hélène DE MARTINO, Alexis Mossa, peintre niçois. Mémoire de licence en Histoire de l’Art, Genève, 1995.
Jean FORNERIS, Jean-Paul POTRON, “Alexis Mossa à Bendejun”, in Lo Rohl, 1991 n°4, p. 7-14.
Jean-Roger SOUBIRAN, “Le plus grand paysagiste niçois au siècle dernier, Alexis Mossa”, in Nice Historique, 1984 n°3, p. 33-46.

Notes
1. Renée Tony d’ULMÈS, Nice et ses environs, Paris, 1903, p. 75.
2. Louis CAPPATTI, Alexis et Gustave-Adolphe Mossa. Ms. p. 9. Nice, Bibliothèque de Cessole, fonds Mossa.

Jean-Paul POTRON