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Cyrille BESSET (1861-1902)
"Cet artiste-peintre dont le nom est si lié au pays niçois n’est pas né à Nice, mais à à Saint-Sernin-du-Plain (Saône-et-Loire) de François Besset, entrepreneur de terrassement et d’Adèle Cottin, le 4 mars 1861. Il travaille d’abord comme graveur sur métaux. Quelque temps il suit à Paris les cours d’Alfred Roll, l’un des grands peintres paysagistes français de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. Mais, trop indépendant d’esprit pour suivre une école, il se met à peindre seul, sur le motif, aux alentours de Paris ou en Bretagne. À l’exemple de nombreux paysagistes, il fréquente le Marlotte, un hameau proche de Barbizon dans la forêt de Fontainebleau, célèbre pour sa Gorge aux Loups et son Long Rocher. Il peint notamment la route de Marlotte, exposée à Monaco en 1903 (voir infra).
Il semble que Cyrille Besset soit venu se fixer à Nice dans les années 1890. Il habite le quartier Saint-Barthélémy, villa Mon désir, rue des Roses. Saint-Barthélémy n’est encore qu’un hameau entouré de jardins et de champs, groupés autour du monastère. L’artiste y passe de longues heures à peindre et à converser avec la population. Homme simple, généreux, sensible et joyeux, il attire naturellement la sympathie.
Cyrille Besset peint surtout Nice et le littoral de la frontière italienne jusqu’à Marseille : Menton, Monaco, Beaulieu, Cagnes, Tourrettes-sur-Loup, Martigues, mais il s’aventure aussi dans les vallées de l’arrière-pays niçois dont il fixe les villages pittoresques comme Fontan et Saint-Martin-Vésubie. Sans doute à l’occasion de ses envois de tableaux pour le Salon parisien, Besset profite du voyage pour peindre des paysages du Nord de la France.
Le critique d’art Pierre Borel1 nous a laissé un portrait du peintre qu’il a connu et apprécié : « Parti dès l’aube, sa boîte en bandoulière, son large feutre à la Rembrandt crânement posé sur l’oreille, il allait planter sa tente dans quelque crique solitaire et ne rentrait qu’à la nuit, fatigué, mais content toujours, un gai refrain au bord des lèvres.
« Cyrille Besset vivait en reclus, tout à sa peinture, jamais entièrement satisfait de son travail de coloriste il possédait, de quelle façon spontanée et savante il savait traduire toute cette Provence aux horizons glorieux, aux âpretés parfumées.
« Il peignait lentement, comme s’il eût joué d’un instrument et sous ses pinceaux, le Midi perdait peut-être un peu de sa lumière, mais se revêtait d’impalpables reflets mauves, d’une grâce sans pareil.»
L’artiste aurait pris froid en peignant le rocher de Monaco. Il meurt de phtisie à Nice, dans sa villa Henriette avenue Caravadossi à Cimiez, le 17 décembre 1902, à l’âge de quarante-et-un ans. Cyrille Besset est enterré au cimetière de Saint-Barthélémy à Nice.
Il s’était marié avec Aurélie Octavie Gabrielle Antoinette de Faucamberge (Cherbourg 1882 - Paris 1948) qui écrivait des œuvres sensuelles sous le pseudonyme d’Aurel et tenait un salon littéraire. Ils avaient eu une fille, Fabienne, en 1892 qui mourut en bas âge le 23 mai 1893. Aurélie se remaria avec un ami du couple, l’écrivain Alfred Mortier, poète symboliste et prosateur rapidement oublié (Bade 1865- Paris 1937).
Après l’avoir longtemps harcelé, Aurel réussit à convaincre le Conseil municipal de Nice de faire attribuer à son premier époux l’ancienne avenue Saint-Barthélémy le 18 décembre 1904. Elle parvint à faire adopter également un nom de rue à son second époux. Plus sérieusement, elle fit instituer un Prix de peinture biennal Cyrille Besset par la Société des Beaux-Arts de Nice qu’elle dota en 1932. Aurel dispersa une partie des œuvres de son mari défunt le 4 janvier 1930, salle Provana.
L’œuvre et sa fortune critique
En novembre 18932, Cyrille Besset travaille à une toile La Roya destinée au salon des Champs-Elysées à Paris. Il présente à l’Exposition des Beaux-Arts de Nice en 1893 un Chemin des champs aux Martigues et un Canal, quartier des pêcheurs aux Martigues. « En somme, écrit le chroniqueur enthousiaste du Nice artistique illustré du 2 février 1893, ces deux toiles vibrent de chaleur et de lumière, et donnent avec justesse, la note du soleil en Provence.» Pour Victor Emanuel de La Vie mondaine, Cyrille Besset marche « non sans honneur, sur les brisées des Montenard et des Garibaldi.» À l’exposition 1894 de la Société des Beaux-Arts de Nice, il montre Canal des Martigues près Marseille (1200 frs) et Chemin dans la campagne de Nice (250 frs).
La Société des Beaux-Arts de Nice ne pouvant plus organiser de salon en 1895, Besset se tourne vers d’autres expositions, notamment celles du Palais des Beaux-Arts de Monte-Carlo. En 1897, il y accroche une toile sur Beaulieu. « Cyrille Besset a mis, comme Darasse, du soleil dans sa palette depuis qu’il habite notre Midi, sa vue de Beaulieu est éclairée d’un jour très vif, encore que le paysage me paraisse un peu sec et maniéré»3. L’année suivante, il propose un autre tableau : « Environs de Nice. Dans cette toile, des tons vifs, des moutons un peu secs, mais d’admirables montagnes d’un violet vaporeux ; et des premiers plans herbeux, on ne peut mieux venus.»4
En mars 1898, il expose ses toiles avec celles du grenoblois Henri Le Riche, dans la galerie du 41 boulevard Dubouchage. On y voit notamment Village de Fontan, Eupatoires roses, Moutons au soleil couchant. La Vue de Cagnes de Besset obtient une troisième médaille au Salon parisien de 1900 et est acquise par le baron de Rothschild.
En 1902, on retrouve Besset au Palais des Beaux-Arts de Monte-Carlo. « Citons quelques paysages vraiment intéressants : [...] les Hauteurs de Cagnes, joliment enlevées sur nature par Cyrille Besset.»5 Enfin en 1903, trois mois après le décès du peintre, sa veuve honore le salon monégasque de l’envoi prévu. « Nous ne voudrions pas quitter le Salon de peinture [...] sans adresser un adieu ému à Cyrille Besset, dont nous apercevons la Route de Marlotte et non loin hélas ! un crêpe noir. Il s’en est allé, ce vrai peintre, épris des paysages méridionaux et du soleil, qu’il allait chercher jusque dans le Nord, et qu’il aimait à rendre avec ses chauds rayons lorsque les blés sont mûrs et que la nature sourit.»6
Peu de temps avant sa mort, le comité de la Société impériale des Arts à Saint-Pétersbourg lui avait réclamé une toile afin qu’elle puisse figurer parmi l’élite des peintres français dont les œuvres sont conservées en Russie.
Lors de l’exposition posthume qui lui est consacrée à la Galerie des Artistes Modernes, chez Chaine et Simonson, rue Caumartin à Paris, à partir du 3 novembre 1903, une centaine de toiles sont réunies. C’est la seule exposition d’envergure qui a été consacrée à ce peintre jusqu’à ce jour.
Absent des rétrospectives niçoises de 1919, « Nice à travers les âges », de 1925 « Le paysage niçois » et de 1927 pour le cinquantenaire de la Société des Beaux-Arts, Besset est représenté au musée des Beaux-Arts de Nice avec Village de Fontan qui a été présenté à l’exposition marseillaise de 1995 : « Peintres de la couleur en Provence ». Quelques- unes de ses toiles figurent dans les musées français, notamment, Vue de Tourrettes-sur-Loup à Marseille et le Chemin de Saint-Barthélémy au musée d’Orsay. Cependant, si l’on ajoute aux collections publiques les œuvres appartenant à des particuliers, on parvient tout juste à une dizaine de toiles connues. Cyrille Besset est devenu un peintre rare.
Or, même si cet artiste a vécu au plus fort des années de l’Impressionnisme et même si ses paysages ne révolutionnent pas l’Histoire de l’Art, Besset est un peintre de talent. Certes, il s’avère conventionnel dans ses rapports de couleurs, parfois peu rigoureux dans ses perspectives, souvent systématique dans le choix de ses premiers plans qui s’ouvrent sur des chemins blancs écrasés de lumière. Mais c’est dans le rendu des montagnes, dans le traité des lointains (le village de Saint-Martin, le Régina sont de vrais bijoux) et surtout dans la lumière qui inonde ses toiles que Cyrille Besset donne toute sa mesure de paysagiste.
Dans son article sur « La Provence et ses peintres », Camille Mauclair7 insiste sur la rare réussite de la fusion entre le pittoresque et la lumière chez un peintre du Midi. « Les toiles de cet artiste sont vraiment parmi les plus intuitives et les plus pénétrantes. Il y passe un souvenir de la poésie d’Aiguier, et on y sent aussi l’influence de Monet. Mais au lieu de conserver le procédé par taches de celui-ci, M. Besset ne craint pas de fondre absolument, avec la translucidité de l’aquarelle, les infinies dégradations de la lumière, avec la consistance polie de l’émail, sans pourtant tomber dans l’afféterie et la fadeur des bleus tendres et des roses lilacés. Ces nuances, mêlées à toute l’atmosphère méridionale, seraient fades à force d’être jolies si elles n’étaient soutenues par le contraste sobre et sévère des lignes du paysage, par la silhouette tourmentée des pins parasols, par la grisaille d’argent des oliviers, par les rudes rochers couleur de sang et de rouille. M. Cyrille Besset a compris toute l’importance de résister au charme amollissant des ciels en insistant sur ce caractère énergique du paysage qu’ils éclairent. [...] Il y a eu de plus grands peintres. Je n’en connais pas de plus émus que cet intimiste de la lumière, épris de ses suaves secrets, ayant su en pénétrer la magie, en préciser le caractère au point qu’il sera désormais impossible à tout artiste, en s’arrêtant devant une villa blanche, ornée de pampres et de roses, glorieuse dans la clarté, de ne pas dire : “Voilà un Cyrille Besset !”»"
Bibliographie
Anonyme, “Nécrologie”, in La Fronde, 21 décembre 1902.
Cyrille BESSET, “Lettre de Cyrille Besset à un jeune artiste qui lui demandait des conseils”, in La Revue du Palais, 15 décembre 1904, p. 692-698. Le destinataire était Robert Mortier, né à Nice en 1878, peintre et frère cadet d’Alfred Mortier le deuxième mari d’Aurel.
R. de F., “Pour Cyrille Besset”, in Le Petit Niçois, 19 décembre 1904, p.1.
Renée d’ULMÈS, “Cyrille Besset”, in La Plume, n°329,
1er janvier 1903.
Notes
1. Pierre BOREL, La Riviera et les artistes. Chiberre, Paris, s.d., p. 22-25.
2. Nice-Artistique illustré, 30.11.1893.
3. DE LA CONDAMINE, “Les Beaux-Arts à Monaco”, in La Vie mondaine, 14.02.1897, p.2 col.4).
4. Emile DELAUNAY, “Exposition des Beaux-Arts, paysages”, in La Vie mondaine, p.2 col.4).
5. Emmanuel DUCROS, “Exposition des Beaux-Arts de Monte-Carlo”, in La Vie mondaine, 27.02.1902.
6. Emmanuel DUCROS, “Exposition internationale des Beaux-Arts de la Principauté de Monaco”, in La Vie mondaine, 26.02.1903, p.3 col.3.
7. Camille MAUCLAIR, “La Provence et ses peintres”, in Revue Bleue, t.19 n°1, 3 janvier 1903. Jean-Paul POTRON |