Le Pays de Nice et ses Peintres au XIXe siècle

Pierre-Paul  COMBA (Père)

(1834?-1872)

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L'Annexion de 1860Pêcheur niçoisMarchande de poissons de Villefranche

"Comme Jacques Guiaud, le premier de la dynastie Comba voit le jour en Savoie. La tradition familiale1 et les sources niçoises le font naître en 1834 ou 1833 au Châble, petit hameau de la commune de Beaumont, en Haute-Savoie, près de Saint-Julien-en-Génevois, ce que ne confirment pas les documents de l’état-civil2. Du reste, les patronymes des parents, Luigi Comba et Angela Pinoli, incitent plutôt à évoquer des origines transalpines.

Sa formation artistique ne s’accomplit d’ailleurs pas à l’École de peinture et de dessin de Chambéry, la seule du Duché sous la Restauration sarde, créée en 18503, dans une « ville où la fortune publique a toujours été très restreinte et les artistes peu assurés d’une existence honorable.» Les peintres originaires du Duché doivent s’exiler à Paris (le paysagiste Lacoste) ou au Brésil (Barandier). Pierre Comba a incontestablement des liens privilégiés avec la capitale des États sardes puisque ce sera à Turin que naîtra en 1864 son second fils Louis Salvator Charles. Mais c’est à Paris où il vient très jeune, vers 1850, qu’il se forme. Il est « remarqué par les directeurs de journaux satiriques qui lui confient les meilleures pages de leurs publications»4. La capitale de l’Empire français voit tout à la fois s’épanouir son talent de peintre, de caricaturiste et de lithographe. Il travaille ainsi avec Gustave Doré, passant pour avoir été un «collaborateur privilégié», voire «un nègre» de Gavarni5. Il fustige ainsi dans ses caricatures la société parisienne du Second Empire.6

La vocation artistique rejoint ensuite la vocation militaire puisque il est attaché à l’État-major général français comme peintre militaire « portant un uniforme de fantaisie rappelant celui des spahis »7. Il participe ainsi à la campagne d’Italie de 1859, peignant des « scènes héroïques et familières de la campagne franco-piémontaise, des campements de zouaves et de bersagliers »8. Ces épisodes lui donnent l’occasion de brosser une grande fresque d’histoire, commandée par le roi d’Italie La bataille de Palestro (31 mai 1859) représentant Victor-Emmanuel nommé caporal par le 2ème Zouaves9.

La période précédant le Rattachement de 186010 le voit s’installer définitivement à Nice ; son premier fils Pierre y naît le 1er juillet 1859. Ses liens avec le milieu artistique niçois se renforcent puisque son épouse Angélique Marie Marthe Mary, rentière de son état, est la fille de Marie Françoise Lazarine Fricero, la sœur du célèbre Joseph Fricero11. Le milieu artistique de la ville (la librairie Visconti) permet à Comba d’exprimer les diverses facettes de son talent, particulièrement dans trois domaines qu’il présente aux amateurs niçois comme aux hivernants en villégiature : les scènes militaires qu’il continue de croquer (Passage du régiment des guides à Cannes)12, l’histoire très contemporaine : il devient ainsi un peintre du Rattachement avec une singulière huile L’Annexion de 186013. Lors du voyage de Napoléon III en 1860, il dessine quatre vues dont la Villa Gastaud, et le Pont du Var14. De savoureuses caricatures niçoises montrent le talent du dessinateur du journal Le Passepartout (en 1859-1860) dans lequel il publie un portrait à la plume, très remarqué, de l’actrice Marie Daubrun15 ce qui lui vaut les éloges du collaborateur attitré du journal, Théodore de Banville : « Le nom de Monsieur Comba est populaire à Nice, il le sera bientôt à Paris, puisque tout Paris passe peu à peu dans ce pays de soleil.»

Il devient en dix années un artiste apprécié des notables niçois : la famille de Cessole enrichit ses collections d’une gouache l’Amour jouant à la toupie avec un cœur16. Mais ce sont certainement ses talents de caricaturiste qui retiennent surtout l’attention et le font comparer à Honoré Daumier, à Cham ou même à Delacroix17. Niçois de cœur, Pierre Comba fait percevoir, à l’aide de ses caricatures, la dualité du pays de Nice que la mutation économique et sociale commence à atteindre : il croque le pittoresque vieux Pêcheur de Nice et la truculente Marchande de poissons de Villefranche, personnages que les auteurs de guide ne manquent pas de mentionner, mais il n’oublie pas à l’aide d’une encre de Chine aux traits tourmentés de montrer un peuple aux conditions de vie bien précaires Chiffonnier18.

Pierre-Paul Comba reprend l’uniforme : en 1870, il devient capitaine de la Garde nationale mais décède prématurément le 28 novembre 1872 à Nice ; il avait eu néanmoins le temps de prodiguer des conseils artistiques à celui qui continuera à illustrer le nom de Comba : son fils Pierre-Paul."


Notes
1. Bibliothèque de Cessole, Nice. Dossier documentaire 73/III : lettre de Pierre Comba (fils), 2 février 1919.
2. Archives Départementales de la Haute-Savoie. Registre des naissances (1832-1837). Ces recherches ont été aimablement menées par Monsieur le Doyen Paul Guichonnet.
3. Archives Départementales de la Savoie. Fonds sarde, additions, n°48, Ecole de peinture et de dessin, rapport du 12 janvier 1858. Pierre Comba ne figure pas dans le registre des certificats délivrés à des étudiants (1 FS 2526).
4. M. RIVOIRE, L’Eclaireur, 13 janvier 1938.
5. Archives municipales de Nice. Fonds Cappatti, 2 S 39.
6. Musée d’Orsay. Service de la documentation, dossier Pierre Comba, 19e siècle, Ecole française. Est signalée notamment une aquarelle Partie de jeux.
7. A.M. Nice, 2S39, témoignage du fils.
8. Cité par D. STERN, Florence et Turin, ibid.
9. Bibliothèque de Cessole, Nice. 73/III, lettre du 2 février 1919. Malgré nos investigations, ce tableau n’a pu être encore localisé : peut-être dans un musée du Risorgimento ou appartient-il aux collections royales ? Cette œuvre procura à son auteur la croix de l’ordre de Saint-Jacques de Chypre décernée par le roi du Portugal à Turin en 1861 (A.C. Nice, 2S39).
10. On pourrait présumer sa présence à Nice dès 1851, car l’exposition organisée par le musée Masséna en 1939 présentait une aquarelle n°287 Martin sec (une variété locale de poire) portant cette date, ce qui ferait une œuvre de grande jeunesse.
11. Renseignements aimablement communiqués par Serge Romain, descendant et biographe de J. Fricero.
12. Nice, musée d’Art et d’Histoire, Palais Masséna, dessin, 1859.
13. Ibidem. Un Niçois à l’air farouche, brandit un drapeau tricolore surmonté de l’aigle impériale. Il est en costume traditionnel de pêcheur et harangue sur un fond marin sans aucune connotation urbaine une foule invisible. Lors de la commémoration du centenaire en 1960, le tableau sera intitulé Pêcheur niçois en 1860 apportant son “oui” à la France, in Nice Matin, 2 octobre 1959.
14. Marie de SAINT-GERMAIN, Relation de LL.MM. L’Empereur et l’Impératrice à Nice (12 et 13 septembre 1860). Nice, 1860, p. 57, 98 et 107.
15. Le Passepartout, n°13, 15 janvier 1860.
16. Cité dans le catalogue, Nice à travers les âges, 1919, n°20, p. 57.
17. Le Messager de Nice, 16 novembre 1861.
18. Nice à travers les âges, n°21 p. 57. L’œuvre est conservée au musée d’Art et d’Histoire de Nice.

Olivier VERNIER