Le Pays de Nice et ses Peintres au XIXe siècle

Dominique  TRACHEL

(1830-1897)

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La pêche au lamparoAu bord du VarDépart des Ponchettes pour la pêche, NiceBarque de pêcheur sur la grève de la Promenade des AnglaisBateaux à marée basse dans un port de l'AtlantiqueNice vue de la plage à CarrasLes Bains Georges, Promenade des AnglaisLe boucin de SamsonLe vieux chemin de Saint-Pons à CimiezBarque de pêche sur le rivage niçois

"Le cinquième enfant de Louis et Madeleine Trachel, Dominique, voit le jour à Nice, le 15 avril 1830. Doué pour le dessin, il est très vite chargé par son père du soin de peindre les chiffres et les armoiries des propriétaires sur les portes des fiacres et des voitures. Comme ses frères aînés, il fréquente l’école municipale de dessin de Nice où il retrouve les mêmes maîtres. Il y obtient un second accessit en architecture et en dessin linéaire lors de la distribution des prix du 24 octobre 1846. À cette occasion, le poète niçois Joseph Dabray lui dédie ces vers :

« Se come il tuo fratello
« Lo studio amar saprai;

« Un di premio piu bello
« Dalla tua patria avrai.»1

Bien que doué d’une grande habileté, il ne pousse pas sa formation plus loin. Évitant les académies, il se forge une manière personnelle, très libre, plus ouverte aux évolutions ultérieures du siècle. Néanmoins, son talent est reconnu dans les multiples aquarelles du pays de Nice qu’il exécute sur l’exemple de ses frères. Amoureux de la mer, il multiplie les marines. Comme beaucoup de ses contemporains, Dominique expose ses œuvres dans les vitrines de la librairie d’Amédée Delbecchi (actuelle papeterie Rontani).

« Nous nous étions donc rendus, rue du Pont Neuf, afin de voir une marine de Dominique Trachel [...]. L’ayant réclamée à Delbecchi, ce dernier s’empressa de nous conduire dans son magasin du premier, sorte d’antichambre où les tableaux attendent leur tour d’exposition, nous trouvâmes là le tableau demandé.
« Dominique Trachel est un enfant de Nice, ils sont tous artistes dans la famille, mais lui, le plus jeune, en sera lorsqu’il le voudra le plus distingué. Habitué à ne voir de lui que de petits panneaux, fort gracieux il est vrai, mais fort peu sérieux, nous avons été agréablement surpris lorsque nous nous sommes retrouvés en face d’une véritable page artistique.
« Au milieu d’une mer en furie, un brick désemparé lutte encore ; rien de saisissant comme l’ensemble de ce tableau ; on sent le vent soulever ces grandes vagues, on entend crier les ais de ce pauvre navire ballotté, et sur tout cela pèse un ciel sombre et menaçant, c’est réellement beau et poétique comme une page de Gudin.
« Tout le tableau est traité avec cette facilité qui distingue les œuvres de ce jeune artiste, facilité peut-être trop grande car moins doué, Trachel aurait peut-être travaillé un peu plus ; mais il est tout jeune encore, l’avenir est devant lui.
« Qu’il marche donc et qu’il persévère dans la nouvelle voie où il est entré. Qu’il aille aussi demander aux bords de l’Océan de nouveaux effets, et aux maîtres dans nos musées les secrets de leur palette. Qu’il travaille surtout d’une manière sérieuse et ses tableaux seront avant dix ans, placés à côté de Ziem et de Gudin.»2

Malgré son manque de métier et son côté dilettante, Dominique Trachel séduit, par la luminosité et la fraîcheur de ses exécutions, un couple de Britanniques en voyage de noces à Nice, les Philipson. Ils l’emmènent avec eux en Angleterre. Il n’a que dix-huit ans3. Il décore pendant plusieurs mois le château des Philipson, peint à la fresque des intérieurs de maisons, aquarelle des paysages.

Mais, mal à l’aise aussi bien dans ce monde aristocratique que sous le climat insulaire, il revient vite sur la Riviera. Dominique peut s’adonner à ses plaisirs favoris que sont la chasse, la pêche et la peinture de plein air. Il ne cesse de peindre la mer, le fleuve du Var, la campagne niçoise. Les scènes de pêche, de chasse et de braconnage figurent parmi ses thèmes favoris. Chiens en arrêt, chasseurs en position de tir, pêche au large des côtes, halage des barques sur le rivage reviennent dans la plupart de ses tableaux à l’huile et de ses aquarelles.

Il fait ses débuts lors du salon de la Société des Amis des Arts de Nice en 1852 où il expose deux marines4. « Dans la marine, M. Dominique Trachel porte bien le nom de son frère et dans une voie différente, il réalisera bientôt de talent avec lui.»5 Les deux aquarelles font partie de liste des œuvres achetées par la Société afin d’être tirées au sort parmi les sociétaires. Ce choix est approuvé par le président, Paul Delaroche, et les deux œuvres payées 120 francs à Dominique Trachel6.
Au salon de 1853, il montre quatre petites marines7. Le comité de direction de la Société les achète également pour les mettre en loterie.

Comme Hercule, il lui arrive de décorer de fresques des demeures niçoises, notamment les villas Gastaud où ses frères travaillent aussi. Il apporte à ses décors une touche personnelle dans laquelle la nature morte tient une place importante. À une lettre de l’aîné8, en voyage à Londres, qui s’inquiète de savoir si Dominique a terminé son travail chez Gastaud, Fanny répond le 6 août 18579 : « Dominique a fini le travail de M. Gastaud qui est très content et la figure dont tu lui as fait le dessin lui a très bien réussi, les peintres italiens s’arrêtant des heures entières à le regarder, il dit qu’ils sont restés tous capots.» Selon Fanny, il aurait exécuté des ex-votos pour les miraculés de Laghet. La même année, à la demande de la Société des Agonisants, il réalise ses armoiries.10

Il réside, d’abord, avec son frère Antoine, au 1, rue de l’Hôpital11, où tous deux professent le dessin. En 1867, ils déménagent pour aller habiter avec Hercule dans la villa du 148, rue de France. Il y poursuit ses activités de peintre jusqu’à sa mort survenue le 12 juin 1897.
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Notes
1. Almanach de la division de Nice et Indicateur niçois pour 1847. Société typographique, Nice, 1847, p.238.
2. DALGOUTTE, Les Échos de Nice.
3. Archives municipales de Nice. Fonds Trachel, notes ms. de Fanny Trachel.
4. SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS, NICE, Exposition : livret. Canis frères, Nice, 1852, p. 15 : N°155 Marine (Etude). N°156 Id.
5. L’Avenir de Nice, 9 mars 1852.
6. Augustin CARLONE, “Procès-verbaux des délibérations (1851-1854)”. Bibliothèque municipale de Nice, ms.245, Société des Amis des Arts.
7. SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS, NICE, Exposition : livret. Canis frères, Nice, 1853, p. 13 : “N°76 Effet de lune (marine). N°77 Marine. N°78 Id. N°79 Id.”
8. Lettre du 29 juillet 1857. Archives privées, Nice.
9. Lettre de Fanny à Hercule du 6 août 1857. Archives privées, Nice.
10. Archives diocésaines de Nice. Extr. du Registre de comptes de la Société des Agonisants, 19 octobre 1857. Mandat n°1, 20 lires.
11. Indicateur niçois suivi du Cicerone de l’étranger pour Nice et ses environs. Société typographique, Nice, 1855, p. 104

Sylvain AMIC
Jean-Paul POTRON